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Lucien Dreillard (FFL) |
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(…) Je suis né le 28 avril 1924 à Vallet (Loire Inférieure), mon père était gendarme, ma mère femme au foyer (car les femmes de gendarme à cette époque ne devaient pas travailler). J’étais fils unique. Nous habitions à Fontenay-le-comte en Vendée. J’avais 15 ans lorsque la déclaration de guerre fut affichée sur les murs. J’étais donc scolarisé et ne pouvais pas être mobilisé. (…) Je fus stupéfait comme beaucoup de Français par la demande d’Armistice. Quand Pétain arriva au pouvoir, on chantait évidemment « Maréchal nous voilà », comme beaucoup de Français ! Je changeais d’opinion et devenait étonnamment méfiant, lorsque Pétain serra la main d’Hitler à Montoir. J’ai entendu l’appel à la radio chez des voisins, je ne pense pas que c’était le jour même. L’Appel était diffusé souvent. Je l’écoutais même, sur une radio que j’avais confectionné avec un ami. Il nous vint l’idée par la suite, de faire un résumé, un récapitulatif de ce que de Gaulle avait dit à la radio et dans réaliser plusieurs exemplaires. Puis on décida de coller un de ces résumés sur la porte d’entrée de la kommandantur, histoire de rigoler un moment, manifesté par notre esprit d’enfant insouciant. Mon ami muni d’un pistolet à bouchon tira sur la porte de manière à attirer l’attention de la sentinelle sur le côté, et moi, au moment où elle bougerait, je devais me dépêcher de coller cette feuille sur la porte. On a réussi ! (…) Au début de la guerre, j’étais à l’Ecole Primaire Supérieure, ce que l’on appelle collège (de 1939 à 1941), durant deux ans. Là, en étude le soir, je rencontrais un surveillant, avec lequel j’échangeais certaines idées. Après mes deux années à l’EPS, je partais travailler un an, comme bûcheron en forêt de Mervent près de Fontenay-le-Comte (Ce lieu fut nommé ainsi par rapport aux rivières qui y coulent, la Mer et la Vent). C’était une entreprise d’exploitation forestière de Nantes. J’étais posté à l’abattage, je faisais du bois de feu. Je restais en contact avec le surveillant que j’avais connu à l’EPS. Il se renseignait de mes activités et notamment celle de l’exploitation quand on se rencontrait. Surtout sur le fait que les Allemands viennent nous rendre visite. Ca l’intriguait ! Je lui expliquais que notre entreprise fabriquait pour eux des piquets de plus 2m en châtaigner. Il me rétorquait que ces piquets devaient être des Asperges de Rommel (utilisée pour empêcher les planeurs ou parachutistes d’atterrir dans les champs ou sur les plages de France. A cette hauteur les parachutistes ne peuvent pas mettre le pied à terre, ils s’empalent ou reste coincés). Il m’incita donc à les couper. Ce que je fis le moment venu. Je sciais en l’occurrence le bout des Asperges, plusieurs fois, car le lendemain les ouvriers s’employaient à refaire la pointe de l’Asperge et cela jusqu’à ce que le piquet de bois ne puisse plus être exploité. Le piquet n’étant plus utilisable pour cet effet, partait au tas de bûches ! Ca les mettait en rogne ! Ils finirent par poster des gardes de nuit pour éviter ces désagréments. Les asperges étaient convoyées en France et en Allemagne par voies ferrées. Près de la gare de Bourneau près de Fonteneau, d’où partait le petit train départemental, les asperges étaient chargées sur des gabarits, pour que la cargaison puisse aisément passer dans les tunnels qu’elle rencontrerait.
Arrive le moment, où mon ami surveillant, m’encouragea de rejoindre l’armée de De Gaulle en formation. J’acceptais et me laissais entraîner par lui. Je devais rejoindre l’Angleterre par bateau, avec un pêcheur de La Rochelle. Mais le pêcheur fut arrêté avant mon départ.
(…) Je devenais cavalier. Pour armes, on me donnait un mousqueton et un sabre. Mes capacités de bon tireur, attirèrent leur attention ! Je devenais vite tireur d’élite. Quand les Allemands débarquèrent en Afrique du Nord, nous nous sommes repliés à Medjez-El-Bab. Chacun des deux côtés de la rivière, on s’attendait mutuellement. C’était à celui qui tirerait le premier. Et puis la bataille commença. Je mettais le feu à plusieurs caisses d’armes avec trois balles incendiaires. C’était mon premier combat ! Nous avons vite décroché pour partir dans la montagne avec nos chevaux, et laisser la place aux Américains qui arrivaient d’Alger. C’était tant mieux ! Car les avions allemands pilonnaient nos lignes. Lorsque j’ai été bien en point, on m’envoyait au dépôt des isolés militaire à Ouede Mélis, toujours en Tunisie. Expédier comme garde d’honneur au PC du Maréchal Juin campé aux Mines de fer de Jérissa en Tunisie. ou l’Ouenza en Algérie, j’y faisais la garde, 6 heures de jours, remplacés toutes les 2 heures et de nuit toutes les heures durant 5 heures de nuit. C’était long, pénible, notamment de nuit. Pour éviter de s’endormir, on positionnait notre baïonnette sous notre casque. Comme cela, lorsque nous nous endormions (la tête basculant en avant), nous étions réveillés par le bruit du casque. Le 4e chasseur attendait de s’équiper en armes lourdes, il devait devenir une brigade de chars. Je rendais donc mon cheval Omnibus. Une horreur de cheval, il trottait à l’amble (Papyrus fut mon premier cheval, mais il fut donné à un officier, pour son talent), et comme j’avais gagné le droit de traîner un cheval de bas, c’était « fantastique » ! Mais j’avais de la chance contrairement aux autres. Je pouvais me ravitailler beaucoup plus en eau. J’avais trouvé une autre astuce, je pouvais charger mon cheval de bas d’un lit de camp. Ca faisait raller les autres, mais tirer un cheval de bas, n’était pas toujours chose simple. Et puis les chevaux furent donc remis à la territoriale, remplacés par des chars français FT (petits chars) et des D1. Quelques temps après nous avons eu droit aux Half-Track. Au début on faisait des « culs sur pointe », car la chenillette se bloquait et tournait d’un seul coup. C’était pas joyeux à manœuvrer ! Là pour un temps, je devenais conducteur de char. Pourtant c’était un formidable engin quand les gars réussissaient à le maîtriser. La chenillette tournait à angle droit ! Les Allemands avaient la rage quand ils couraient après. Lorsque les chars ennemis amorçaient leurs tirs, les Half-Tracks changeaient aussitôt de position. Les Allemands finirent par rendre les armes. Nous avons alors rejoint Tunis. C’est au Cap Bon que l’on a fait l’injonction avec les forces FFL. (…) C’est à ce moment précis, que je décidais avec 2 amis de rejoindre la 1e DFL. Nous sommes partis en laissant tout ce que nous avions comme affaire personnelle. J’arrivais au train des équipages, il faisait partie de la cavalerie. Malgré une expérience soutenue en cavalerie, je demandais à incorporer les fusillés marins ayant eu une expérience avec les chars. Ma demande fut rejetée et on m’incorpora au BMP (Bataillon d’Infanterie de Marine du Pacifique). Nous sommes partis ensuite en tripolis, à Zouara près de Bengardan, frontière entre Tripolitaine et Tunisie, pour se ravitailler chez les Anglais, ils avaient le « sens de la générosité » ces Anglais, pas comme les Français où tout était contingenté (cigarette, eau, chaussettes, essence…)… Ensuite, nous avons rejoint de nouveau la Tunisie, et échoué à Grombalia sur la route qui va à Nabel dans le Cap Bon. De là, nous sommes allés à Casablanca, pour rendre à la territoriale tout le matériel qui avait été utilisé en Libye afin de toucher les GMC (camions américains). C’était le début de la campagne d’Italie ! J’étais chauffeur, je conduisais des officiers et sous-officiers. C’était l’euphorie, les gens nous sautaient dessus, on avait du rouge à lèvre partout sur la figure ! J’ai eu du mal à le faire partir. Nous étions les libérateurs ! On remonte toute la vallée du Rhône. Nous restons quelques temps dans la région de Beaune, jusqu’au jour où nous sommes appelés pour venir dégager les poches de La Rochelle. Nous décampons notre camp sur Saint-Isan-de-Soudiac en Charente Maritime. Le 25 décembre au matin, toutes nos permissions sont alors supprimées et suspendues. Nous sommes rappelés pour l’Alsace. Les Allemands remontent la contre offensive devant Vonroschetad. Nous arrivons à Benfeld, en Alsace. 8 jours de bagarre toujours en poste avancé. Je suis comme qui dirait « planqué », mais 300 ou 400m devant ! Je fais parti des troupes des tireurs d’élites, elles sont moins exposées aux dangers. Car devant, tout vous passe au-dessus de la tête, notamment les obus et ce qu’il y a tout de même de plus dangereux. Nous, les tireurs, nous étions détachés en individuel. J’avais un fusil à lunette. Nous étions là pour prévenir d’une éventuelle attaque, puisque nous voyons toujours tout avant les autres. Quand la bagarre se termine, le stresse vous envahie c’est l’horreur. Et puis la pression redescend peu à peu. Lorsque l’on est en pleine action, on n’y pense pas, c’est la guerre, vous n’avez pas le choix. Et vous vous dites perpétuellement, « c’est lui ou moi ! ». J’ai eu peur un jour en Alsace : je me suis retrouvé face à face avec un Allemand, qui m’a tiré dessus le premier et renvoyais l’échange. Il devait mourir de ses blessures plus loin, quant à moi, je retrouvais les douilles devant mes pieds. Les balles réelles de son fusils avait dû être changées par des balles à blanc. Chance pour moi !
Ensuite, je repartais rejoindre la division à Marseille, pour le Nord de l’Italie, où des poches ennemies résistaient encore. Mais, encore trop fatigué à leur goût, ils m’on fait repartir à l’hôpital, puis en convalescence. De retour, via Nice, pour la même opération. Le jour de l’Armistice. Ca tirait de partout, je ne comprenais rien, le camp militaire était vide, mais les bistrots étaient pleins à craqués. C’était la fête, la joie ! La guerre, ce n’est pas un truc à faire, ni même à refaire. C’est moche pour tout le monde d’un, côté comme de l’autre. Je dis seulement qu’il ne faut plus que l’on laisse disposer des individus comme Hitler au pouvoir. Il faut faire extrêmement attention, car personne sans n’est méfier.
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